Avoir de la chance, c'est tout relatif...
Mes amis et moi-même avons eu de la chance hier soir.
Les policiers, les ambulanciers, les infirmiers et les médecins nous l'ont tous répétés encore et encore.
Nous? Avoir eu de la chance?
C'est bien relatif, mais il faut le reconnaître, nous avons vraiment eu de la chance.
J'ai de la chance d'être là à pouvoir vous parler de cette chance.
Ce samedi soir, nous nous sommes retrouvés à 8 francophones ici à Bristol pour une soirée qui s'annonçait bien.
Fajitas et sangria dans le centre de la ville pour commencer.
Après le resto, on décide d'aller boire un verre ailleurs, l'une d'entre nous s'en va, elle est attendue ailleurs. Elle ne sait pas que nous n'avons pas eu l'occasion de prendre un autre verre.
Alors que nous marchions sur le trottoir nous menant à notre destination, une voiture bordeau est sortie de la route principale et nous est rentrée dedans.
Ca s'est passé très vite, on n'a pas eu le temps de comprendre ce qu'il nous arrivait, ni le temps de se dégager. En moins de 30 secondes, 5 d'entre nous gisions sur le sol. Choqués.
A ce moment là, j'ignorais combien avaient été éjectés par terre, si j'allais bien ou pas. Je réalisais à peine que je venais de me faire renverser par une voiture.
Très vite, un attroupement de personnes s'est formés autour de moi avec plein de personnes me parlant. L'un criant 'call 911', une autre disant 'I'm a nurse, don't move her head'.
Veste posées sur moi, quelqu'un me tenant la main, d'autres me disant de ne pas bouger et de respirer profondément.
S'en sont suivis ambulances, brancardiers, policiers et l'incapacité de me dire comment allaient mes amis. Ils étaient 'more or less ok'. Et moi demandant 'what does it mean "less"?'
La rue était trempée, il avait plu toute la soirée. Je tremblais de froid et du choc.
Mon séjour sur le macadam m'a semblé être une éternité, renforcée par ne pas savoir ce qu'il était arrivé aux autres.
J'entends les policiers dire que le chauffeur est une femme, saoule, qu'elle a été arrêtée.
Je vois passer une civière avec quelqu'un à la nuque immobilisée. S., qui n'a pas été touché me dit que c'est F. qu'ils viennent d'emmener, apparemment le plus abîmé.
Je vois ensuite C. la copine de F, elle peut marcher et monte dans l'ambulance avec F.
Le temps passe et les gens continuent à s'agiter tout autour.
Comme je n'ai pas l'air d'avoir quoique ce soit de cassé, on me dit que je partirai la dernière.
On finit par me faire lever, je peux marcher mais mes jambes jouent des castagnettes.
Dans l'ambulance on me redemande à nouveau tous mes détails. C'est déjà la 3e fois.
A l'hôpital, une infirmière commence par me poser des questions. Je vais bien (enfin, je ne vais pas mal). Mon bras me fait mal mais n'est pas cassé. J'ai des hématomes un peu partout mais ça va.
Elle me dit d'aller patienter dans la salle d'attente, un médecin va m'examiner.
Là je retrouve S, C et N qui attendent des nouvelles de A, N et F qui eux, doivent subir beaucoup d' examens.
Tous ont perdu du sang - les ouvertures dans le visage ça ne rate pas -mais on sait qu'aucun n'est en danger.
On attend, on patiente, on essaye de comprendre ce qu'il s'est passé, on trouve même le moyen d'en rigoler. Finalement, on nous permet d'aller rejoindre nos amis.
F. est le plus arrangé. Il a volé dans le pare-brise et son visage en est lacéré.
Un policier lui dira plusieurs fois combien il a de la chance, il ne reste rien du pare-brise.
On lui nettoye les plaies avant de le recoudre. Il est fort mais ça fait mal.
On a du lui couper ses fringues, pas cool.
N. aussi, ont lui a coupé ses fringues. Dont son pantalon.
La dernière fois qu'on l'avait vue, du vin rouge avait atterri sur son pantalon blanc. Elle nous racontait justement au resto qu'elle n'a jamais réussi à enlever la tache.
La voilà donc maudite du pantalon - on en rigole - ça détend l'atmosphere alors qu'elle est couchée à l'horizontal, sa tête toujours immobilisée.
Elle est tombée en plein sur le crâne et s'est ouverte. Les médecins ne sont pas encore revenus avec les résultats de ses scanners.
La police revient nous parler.
On nous explique que la conductrice a refusé de passer le test d'alcoolémie, ce qui est considéré comme un délit grave. Ils doivent statuer de son cas dans les prochains jours et ils nous rappelleront pour nous expliquer la suite de la procédure.
On nous redit pour la 10e fois combien on a eu de la chance.
Nous l'avons bien compris.
Si la voiture avait roulé plus vite, si elle avait été plus grosse...
On a vraiment eu de la chance.
Un samedi soir qui s'annonçait bien.
Le choix de vouloir se rendre dans ce lieu plutôt qu' un autre.
On marchait et .... paf....
On eu de la chance. Vraiment.
A, F et N ont du passer la nuit à l'hôpital. Ils sont tous mal en point mais ça ira.
S nous a tous vu voler en l'air. Il a eu les images, nous pas. Le choc est autre mais il est fort également.
Je suis rentrée en taxi, et le chauffeur m'a demandé ce qui m'avait amené aux urgences.
Je lui dit que nous nous sommes fait renversés par une voiture au Waterfront.
Il m'a répondu qu' à cause de nous, c'était le bordel en ville (la rue a été bloquée plus d'une heure) .
Ca m'a fait sourire jaune et je lui ai dit qu'on était vraiment désolé de l'avoir dérangé dans son travail. Pas les nerfs de m'énerver.
Un samedi soir sur la terre, un samedi soir qui s'annonçait pourtant bien.
Nos 5 minutes de célébrité sur le site de la BBC: http://news.bbc.co.uk/1/hi/england/bristol/7468058.stm